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Encre de tatouage et système immunitaire : ce qu’une étude observe dans les ganglions

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On imagine souvent le tatouage comme une image “qui reste sous la peau”. En réalité, la peau est reliée à un réseau de drainage, le système lymphatique, qui conduit une partie de ce qui circule dans les tissus… vers les ganglions lymphatiques. Et ces ganglions, ce ne sont pas des figurants : ce sont des postes de contrôle où une partie du système immunitaire s’organise.

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Image d’illustration par 2tout2rien

Une étude publiée fin 2025 dans la revue PNAS s’est intéressée à une question très simple, mais rarement testée de façon mécanistique : que devient l’encre après tatouage, et que se passe-t-il dans le ganglion “drainant” (celui qui reçoit la lymphe de la zone tatouée) ?

Les auteurs ont travaillé sur un modèle murin, ce qui impose d’emblée une règle de prudence : on parle ici d’observations chez la souris, pas d’un verdict direct sur la santé humaine. Mais les résultats sont suffisamment clairs pour animer le débat.

Le trajet de l’encre : de la peau vers le ganglion

Première observation : après tatouage, une partie des pigments est drainée rapidement par la lymphe vers le ganglion. Une fois dans ce ganglion, l’encre est principalement capturée par des macrophages. Ces cellules sont des “éboueurs” et des régulateurs : elles phagocytent, recyclent, présentent des fragments aux autres cellules immunitaires… bref, elles tiennent une partie du tableau de bord.

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Crédit photo Collins Lesulie.

Une inflammation qui persiste

Après la capture d’encre, l’étude décrit une réaction inflammatoire initiale, à la fois locale et systémique. Mais le point le plus important est la durée : les chercheurs observent encore des signes nets d’inflammation dans le ganglion drainant deux mois après le tatouage. Autrement dit, le ganglion ne se contente pas de stocker passivement des pigments : son micro-environnement immunitaire reste modifié dans le temps.

Autre élément notable : la capture de l’encre par les macrophages est associée à l’induction d’apoptose (mort cellulaire programmée), observée dans des modèles murins et dans des modèles expérimentaux sur cellules humaines. Ce détail compte, parce qu’un tissu où des cellules immunitaires capturent en continu des particules et meurent ensuite peut entretenir une dynamique inflammatoire de fond.

Vaccins : un effet mesuré, mais pas uniforme

Là où l’étude devient particulièrement concrète, c’est quand elle teste la réponse immunitaire à deux types de vaccins.

Les auteurs observent une réponse en anticorps réduite après vaccination avec un vaccin SARS-CoV-2 à ARNm, associée à une baisse d’expression de la protéine Spike dans les macrophages du ganglion drainant.

À l’inverse, ils observent une réponse augmentée avec un vaccin grippal inactivé par irradiation UV.

Ce contraste est important : il évite la conclusion simpliste “tatouage = immunité affaiblie”. Le signal est plus nuancé : l’encre accumulée dans le ganglion peut modifier certains paramètres de la réponse immunitaire, et l’orientation de l’effet dépend du type de vaccin et probablement de sa manière d’activer les cellules du ganglion.

Ce qu’on peut conclure (et ce qu’on ne peut pas conclure)

Ce travail montre un mécanisme plausible et mesurable : migration de pigments vers le ganglion, capture par macrophages, inflammation persistante, et modulation d’une réponse vaccinale dans un cadre expérimental.

En revanche, il ne permet pas de conclure que “les tatouages affaiblissent le système immunitaire” chez l’humain, ni de quantifier un risque individuel. Les variables réelles sont nombreuses : quantité d’encre, surface tatouée, formulation, ancienneté du tatouage, localisation, terrain immunitaire, etc.

Certains styles de tatouage reposent d’ailleurs sur des aplats très denses : les tatouages de Sandry Riffard par exemple montrent bien comment l’encre peut devenir une matière à part entière — et donc, potentiellement, une charge pigmentaire plus importante.

La suite logique, c’est donc de reproduire et d’encadrer ces observations avec des données humaines pour mieux définir les interactions entre encre de tatouage et système immunitaire.

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Encres de tatouage de différentes couleurs – Crédit photo Nesnad (CC BY 4.0).

Encres et réglementation : l’Union européenne a déjà resserré le cadre

Toutes les encres ne se valent pas : certaines jouent même avec la lumière noire, comme ces tatouages à l’encre ultraviolette, qui rappellent à quel point une “encre” peut être une vraie formulation chimique.

Indépendamment de cette étude, les encres ne sont plus un angle mort réglementaire en Europe. Depuis 2022, l’usage de nombreuses substances dangereuses en encres de tatouage et maquillage permanent est restreint au niveau de l’UE dans le cadre de REACH (Annexe XVII, entrée 75), avec des obligations d’étiquetage et des limites de concentration.

Un organisme public comme le BfR rappelle aussi que les encres peuvent contenir de nombreuses substances (pigments, dispersants, additifs) et que les effets à long terme restent, pour une part, insuffisamment documentés.

Note au lecteur : cet article est informatif et ne remplace pas un avis médical.

Sources pour aller plus loin

PubMed
Lex Europa
BFR

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