La mante-fleur du diable (Idolomantis diabolica) ressemble à une fleur… jusqu’au moment où elle décide de jouer la carte “démon en pleine répétition générale”. Grande, spectaculaire, impossible à confondre, cette mante africaine est devenue une icône du mimétisme : elle attire, elle trompe, puis elle foudroie ses proies avec une précision chirurgicale. Et quand on l’embête ? Elle passe en mode panneau de danger vivant.
Image illustration d’une mante-fleur du diable.
Qui est vraiment la mante-fleur du diable ?
Derrière son nom de groupe de métal, la mante-fleur du diable est une espèce unique dans son genre (Idolomantis est monotypique). Elle appartient aux Mantodea et se rattache aux Empusidae, une famille où l’on trouve souvent des silhouettes élancées (comme le diablotin de Provence), des appendices étranges, et une élégance un peu extraterrestre.
Elle arbore un vert éclatant, morcelé de blanc et de nuances gris violacé, avec des élytres striés de blanc et de vert et des ailes translucides d’un blanc hyalin. Les jeunes, eux, commencent leur vie noirs et brillants, puis beige à brun clair.
Crédit photo Roger Peng (CC BY-NC 4.0).
Un camouflage floral… pensé pour la chasse
Le cœur du sujet, c’est le mimétisme. Cette mante diabolique ne “fait pas joli” pour le plaisir : elle mime le végétal afin de réduire la méfiance des proies qui s’approchent. Ses lobes sur les pattes, ses formes allongées et ses postures figées cassent la silhouette typique d’un insecte prédateur.
Perchée, immobile, elle ressemble à une fleur ou à un amas végétal, attendant patiemment que des insectes volants – mouches, papillons, papillons de nuit, coléoptères – entrent dans son rayon d’attaque. Lorsque la proie est à proximité, les tibias de ses pattes ravisseuses claquent comme un piège à ressort, verrouillent l’infortuné insecte, que les puissantes mandibules décapitent et dévorent rapidement.
Si ce thème vous passionne, vous pouvez comparer sa stratégie avec une autre superstar du déguisement végétal : la mante orchidée, qui imite carrément une fleur pour piéger les visiteurs trop confiants.
Et pour rester dans le registre “fleur + piège”, jetez aussi un œil à la mante-fleur épineuse : même idée générale (le leurre), mais une esthétique… plus punk que couture.
Crédit photo Alfa lung’ange (CC BY-NC 4.0).
Fleur le matin, démon le soir : l’art de l’intimidation
La mante-fleur du diable est célèbre pour ses parades de menace : elle déploie certaines parties de son corps, met en avant des zones très contrastées, et adopte une posture qui dit clairement : “Je ne suis pas au menu, merci.” Face au danger, elle dresse ses pattes ravisseuses bien droites, et parfois même ouvre largement ses ailes et révèle une explosion de couleurs – rouge, bleu, blanc, violet, noir – qu’elle s’agite en se balançant de gauche à droite pour troubler l’assaillant.
C’est un comportement déimatique : surprendre un prédateur, le faire hésiter, et gagner quelques secondes décisives. On pourrait appeler ça du “bluff évolutif”, sauf qu’ici le bluff est tellement bien designé qu’il ferait reculer un chat curieux (et parfois un photographe trop confiant).
Crédit photo alecavs (CC BY-NC 4.0).
Dans quel décor vit la mante-fleur du diable ?
La mante-fleur du diable vit en Afrique de l’Est, dans des milieux chauds où sa forme “florale” et sa silhouette très découpée se fondent dans la végétation. Elle n’est pas la seule à jouer cette carte : certaines mantes poussent le camouflage encore plus loin, jusqu’à devenir… du lichen ou une feuille morte crédible à 2 mètres.
Exemple parfait : Pogonogaster tristani, la mante “lichen”, qui transforme le camouflage en art abstrait.
Crédit photo Steve Smith (CC BY-NC 2.0).
Taille, croissance, cycle de vie : une grande mante qui prend son temps
Côté gabarit, la mante-fleur du diable est plutôt du genre “grande pièce” :
• mâle autour de 10 cm,
• femelle pouvant dépasser 12 cm selon les individus.
Comme toutes les mantes, elle grandit par mues successives (instars) : plusieurs étapes où l’insecte “change de peau” pour gagner en taille, en puissance… et en allure. La femelle finit par produire une oothèque (une capsule d’œufs) dont l’éclosion dépend fortement des conditions (température, humidité, etc.). En élevage, on évoque souvent des délais de plusieurs semaines.
La reproduction chez Idolomantis diabolica est un exercice risqué, surtout pour le mâle, déjà plus petit et plus fragile que la femelle. La femelle adulte tenue son partenaire en abaissant l’extrémité de son abdomen et en entrouvrant ses ailes pour libérer des phéromones, mais en captivité, les accouplements se terminent souvent en cannibalisme sexuel, la femelle dévorant la tête du mâle en pleine copulation. Les mâles, adultes entre 5 et 7 mois, vivent peu de temps et s’abîment rapidement (antennes, tarses, ailes) tandis que les femelles, adultes entre 6 et 8 mois, peuvent survivre jusqu’à une dizaine de mois.
Crédit photo portioid (CC BY 4.0).
La star fragile des terrariums
Dans le petit monde des éleveurs de mantes, Idolomantis diabolica fait figure de Graal : espèce prise, médiatisée, souvent citée aux côtés de la célèbre mante-orchidée Hymenopus coronatus. Elle exige pourtant des conditions pointues : chaleur marquée (environ 28 à 35 °C le jour), forte luminosité, espace en hauteur pour permettre des mues sans accident et une alimentation exclusivement composée de proies volantes, du premier jusqu’au dernier stade. Les mues sont délicates, la reproduction capricieuse et les nymphes parfois peu nombreuses à éclore, ce qui contribue à sa réputation d’espèce difficile réservée aux terrariophiles expérimentés.
Le revers de ce succès est lourd : en Tanzanie et au Kenya, des oothèques sont prélevées massivement à l’état sauvage, parfois par dizaines ou centaines, sans contrôle ni mesure de protection. Ces collectes, souvent faites dans des conditions précaires, mettent sous pression certaines populations locales, même si l’espèce semble disposer d’une aire de répartition plus vaste et de noyaux encore intacts ailleurs en Afrique de l’Est. Quelques éleveurs tentent aujourd’hui de limiter ces prélèvements en développant des élevages locaux plus responsables, où l’intérêt économique ne l’emporte pas totalement sur la préservation de la mante-fleur du diable.
Crédit photo congonaturalist (CC BY-NC 4.0).
Le petit monde des mantes “bizarres” : appâts, leurres et stratégies tordues
Si la mante-fleur du diable vous donne l’impression que l’évolution a un département “effets spéciaux”, vous n’êtes pas au bout de vos surprises.
Certaines espèces vont jusqu’à utiliser des appâts pour attirer leurs proies (ou des partenaires), avec des adaptations franchement déroutantes. Exemple fascinant : Stenophylla lobivertex, “la mante dragon” et son appât à mâles.
La morale ? Chez les mantes, la chasse n’est pas qu’une question de réflexes : c’est aussi du design, du comportement… et parfois une mise en scène digne d’un film.
Crédit photo thecollectivegreen (CC BY-NC 4.0).
Sources pour aller plus loin
• Mantodea Species File
• GBIF
• Battiston (2022), étude sur le marché des mantes de compagnie
• Wikipédia







